Jean-Pierre Picandet, diplômé de l’École Normale de Clermont Ferrand en 1984, est instituteur au CP à l’École élémentaire publique des Arènes, dans l’Allier.
Pourquoi demandez-vous à vos élèves de vous tutoyer ?
C’est l’habitude dans l’école. Les élèves me tutoient et m’appellent “maître”. Je leur explique en début d’année que le « maître » d’école n’est pas le maître lié à l’esclave mais le magister – celui qui sait. Je vais leur transmettre une partie de mes “secrets” afin que, petit à petit, ils parviennent à se débrouiller seuls dans la vie.
Les neuroscientifiques conseillent aux enseignants d’utiliser la structure d’un récit pour organiser leur cours. Appliquez-vous cette règle ?
Oui – mais je le fais naturellement sans avoir lu les travaux des neuroscientifiques dont vous parlez ! Par exemple, je lis à mes élèves, au cours de l’année, les aventures d’Ulysse – et je ne manque jamais l’occasion de comparer notre classe à un équipage, cinglant vers d’innombrables îles de la connaissance ! Comme Ulysse et ses compagnons, nous allons rencontrer des obstacles, mais dans notre périple au pays de la connaissance, personne ne restera en arrière car toutes les difficultés sont surmontables et je suis là pour les aider. Pour chaque étape de leur apprentissage, j’informe les enfants de l’objectif à atteindre et de la méthode que nous allons suivre et jamais je ne leur propose de franchir un palier qu’ils ne sont pas en mesure de passer.
Comment faites-vous respecter l’ordre dans votre classe?
Je tiens absolument à ce que les enfants respectent le silence. Pour cela, je compte un peu sur mon autorité naturelle, mais je limite également toutes les occasions pour eux d’être bruyants.
– En début d’année, je demande aux parents de veiller au sommeil de leur enfant : un enfant fatigué fait un écolier excité, pénible pour lui-même et contagieux pour la classe.
– Chaque élève a son propre matériel : 4 stylos, 1 gomme, 1 paire de ciseaux, un tube de colle, des crayons de couleurs. Ce matériel est placé dans une boîte posée en permanence sur le pupitre. Je contrôle moi-même régulièrement leur contenu et je taille les crayons quand c’est nécessaire. Ainsi, les élèves n’ont pas à s’échanger leur matériel, ce qui provoque toujours du désordre.
– C’est moi et moi seul qui décide du règlement de classe. Je ne laisse pas les élèves, comme c’est le cas dans certaines écoles, élaborer leur propre règlement.
– Je veille à maintenir un rythme soutenu dans les leçons, pour ne pas laisser de temps mort. Nous ne restons jamais plus d’un quart d’heure sur un exercice (sauf pendant la lecture collective) ce qui permet aux élèves d’éviter l’ennui.
– J’essaie de faire en sorte que les élèves aient plaisir à apprendre et soient fiers de montrer leurs progrès. Ainsi, ils sont concentrés sur leur tâche et ne pensent plus à bavarder avec leur voisin.
Avez-vous un système de récompense et de punition ?
Bien sûr. Je récompense le bon travail en distribuant les bons points. Je suis plutôt généreux mais, en contrepartie, je peux les reprendre en guise de punition.
De quelle manière corrigez-vous les cahiers ?
Autant que possible, je corrige les cahiers sur le moment même, ce qui me permet de ne pas avoir à ramener du travail chez moi. Je circule en permanence dans les rangs, ce qui me permet de détecter et rectifier sur le champ les mauvaises tenues du crayon, les boucles inversées ou mal calibrées, les calculs erronés, etc. Quand le travail est trop mal fait, je peux aussi le gommer et demander à l’élève de le refaire immédiatement. Lorsqu’un exercice est achevé j’ajoute aussitôt la mention dans la marge (TB – B – AB – passable – à revoir) et je n’entame jamais un exercice avant d’avoir corrigé le précédent. Un autre avantage, c’est que les élèves peuvent ainsi ramener leurs cahiers chez eux et les montrer à leurs parents, qui peuvent suivre leur progression au jour le jour, et les aider éventuellement à reprendre un exercice qui a eu la mention « à revoir ».
Que pensez-vous de l’usage des photocopies ?
Je les évite autant que possible – sauf pour les poésies.
Donnez-vous des devoirs à la maison ?
20 à 30 minutes de travail en famille chaque soir me paraît un maximum souhaitable pour un enfant de 6 à 7 ans qui a déjà effectué six heures de présence à l’école (sans compter la garderie et la cantine)… Pour le jour suivant, je donne une page de lecture, une dictée préparée tirée de cette lecture, un exercice de calcul mental, une récitation à apprendre. Invariablement du début à la fin de l’année.
Pour quelle raison utilisez-vous d’anciens manuels ?
Contrairement aux manuels actuels, les manuels anciens abordaient les notions avec progressivité et continuité, dans une série cohérente et homogène du CP au CM2. Certains de ces manuels – tous ne sont pas excellents, bien sûr – ont fait la preuve de leur efficacité, parfois même auprès de plusieurs générations d’écoliers. On n’y trouve aucun jargon et leur présentation, très claire, permet aux élèves de rester concentrés. Les répartitions, souvent hebdomadaires ou mensuelles, offrent de bons repères aux maîtres et à leurs élèves, et elles permettent aux parents de trouver dans le cours une reproduction exacte de la méthode suivie à l’école.
Comment j’enseigne la lecture et l’écriture, par Jean-Pierre Picandet